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Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865)



L'Anarchisme 

   Source : l'Anarchisme par Henri ARVON (collection Que sais-je?)

Parmi les théoriciens de l'anarchisme, Proudhon occupe une place à part. Non pas que sa pensée soit plus originale ou plus puissante que celles des autres - on dirait au contraire qu'elle subit parfois des éclipses ou tout au moins des incertitudes dangereuses - mais elle possède une tonalité particulière qui lui a assuré l'audience du grand public. Or c'est à ses origines et à la vie qui en résultait pour ainsi dire fatalement que Proudhon doit cette fortune exceptionnelle.

Proudhon n'est pas un intellectuel, bien que, poussé par une avidité intellectuelle insatiable, il se soit nourri de tous les sucs de son siècle. Fils d'un tonnelier et d'une cuisinière, il a dû se colleter pendant toute son existence avec les dures nécessités matérielles de la vie. Jamais une certaine aisance ne lui a permis de se livrer à des études sereines. Mais ce que sa pensée, continuellement sollicitée par le côté matériel de la vie, perd en profondeur idéologique, elle le gagne en efficacité. Les fruits de ses réflexions, Proudhon les a cueillis à l'arbre de la vie. Aussi dès que l'anarchisme veut se faire doctrine d'action, il n'y a guère que Proudhon qui puisse guider ses pas. Il est, à vrai dire, le seul anarchiste à n'avoir jamais négligé le côté pratique d'une doctrine dont la faiblesse constitutive provient précisément de la prédominance presque exclusive d'une critique destructrice.

Proudhon n'est pas seulement issu du peuple, il lui reste attaché par toutes les fibres de son corps et de son esprit. Ce n'est pas lui que la révolte pousserait vers un nihilisme négateur de toutes les valeurs. Au contraire, c'est pour défendre les anciennes valeurs morales chères au petit peuple de France et menacées par la corruption de la Société moderne qu'il arbore le drapeau de l'insoumission. Ainsi s'explique le double caractère si surprenant de sa doctrine qui est traditionaliste et révolutionnaire à la fois. Tout comme Hegel, Proudhon a fait naître deux écoles : une droite et une gauche. Il y a des athées aussi bien que des chrétiens, des fascistes aussi bien que des syndicalistes qui avec intérêt, sinon amour se penchent sur ce Protée apparent que fut Proudhon. Chacun, bien sûr, essaie de le tirer vers lui et de lui faire dire des choses qu'il n'aurait pas approuvées. Il n'en reste pas moins qu'au bout de toutes ces recherches ressuscite un Proudhon qui ne cesse d'être identique à lui-même : héros du peuple, et surtout du peuple français qui, plus qu'aucun autre, a su garder la notion de la valeur individuelle.

Né en 1809 à Besançon, Proudhon connaît une jeunesse pauvre et souvent misérable. A l'âge de dix-huit ans il se place comme prote dans sa ville natale ; mais le chômage lui fait perdre peu de temps après cette place grâce à laquelle il faisait vivre sa famille. Après avoir passé à l'âge de vingt-neuf ans le baccalauréat, il postule auprès de l'académie de Besançon la pension Suard. Il l'obtient et part en 1838 pour Paris.

C'est avec l'ardeur d'un néophyte qu'il se jette dans les études de tout genre. Mais c'est surtout l'économie politique qui retient son intérêt. Après avoir publié dès 1839 un mémoire intitulé De l'Utilité de la célébration du dimanche, sujet qui avait été mis au concours par l"académie de Besançon, il fait paraître en 1840 une brochure qui va le faire connaître du grand public : elle porte le titre significatif : Qu'est-ce que la propriété ? ou Recherches sur le principe du droit et du gouvernement, et donne la réponse non moins significative : La Propriété, c'est le vol. Cette phrase qui est bien moins explosive quand on la replace dans son contexte, lui assure la célébrité en même temps qu'elle le classe définitivement parmi les ennemis de la Société. Qu'il le veuille ou non, Proudhon sera désormais prisonnier de cette formule.

Copropriétaire d'une petite imprimerie, Proudhon se voit de nouveau en butte à des soucis pécuniaires lorsque la vente de celle-ci se solde par un déficit de 7000 francs. Il est contraint d'accepter en 1843 un poste de commis à Lyon chez un ami d'enfance. La même année paraît son premier grand ouvrage De la création de l'ordre dans l'humanité. Comme les affaires de sa maison l'appellent souvent à Paris, Proudhon peut continuer d'y maintenir des contacts intellectuels. c'est en 1844 qu'il y fait la connaissance de réfugiés allemands, en particulier de Karl MARX. En 1846, il publie un nouvel ouvrage en deux volumes intitulé Systèmes des contradictions économiques ou Philosophie de la misère. On connaît la critique de Karl MARX dont le titre spirituel Misère de la Philosophie ne suffit pas pour en excuser la méchanceté.

En 1846, Proudhon se fixe de nouveau à Paris. Il y assiste à la Révolution de 48 dont les idées directrices ne concordent guère avec les siennes. Toutefois, le 4 juin 1848, il est élu député par soixante-dix-sept mille voix. C'est à la suite d'un discours prononcé à l'Assemblée nationale dans lequel il exalte le peuple victime de la bourgeoisie, qu'il soulève l'indignation générale : Proudhon sera dorénavant "L'Homme Terreur". A la suite de ses attaques contre le Prince-Président, il est condamné en 1849 à trois ans de prison et 3 000 francs d'amende. Il s'enfuit en Belgique, mais revient bientôt en France poussé par le désir de se marier. C'est en effet dans la prison de Sainte-Pélagie où il est écroué, qu'il épouse Euphrasie Piégard, ouvrière modeste mais femme combien dévoué qui procurera au rude lutteur les joies profondes d'une vie familiale dont le célèbre tableau de Gustave COURBET : Proudhon et ses filles donne le témoignage le plus touchant. C'est en prison également que Proudhon rédige ses Confessions d'un révolutionnaire, chef-d'oeuvre littéraire s'il faut en croire le jugement de Sainte-Beuve.

Libéré en 1852, Proudhon s'adresse au Prince-Président par La Révolution sociale démontrée par le coup d'Etat et lui demande de réaliser ses idées sociales. En 1858, à la suite des attaques dont il avait été l'objet de la part de l'archevêque de Besançon, Proudhon s'en prend à l'Eglise dans l'ouvrage De la Justice dans la Révolution et dans l'Eglise. Trois ans de prison et 4 000 francs d'amende sanctionnent cet "ouvrage à la religion et à la morale". Proudhon se réfugie de nouveau à Bruxelles où il reste jusqu'en 1862. Amnistié par une décision impériale, il rentre à Paris où, épuisé prématurément par un labeur acharné dont les derniers produits furent La Guerre et la Paix (1861), Du Principe fédératif et de l'unité en Italie (1863), il meurt en 1864.

Source : l'Anarchisme par Henri ARVON (collection Que sais-je?)

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