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Proudhon fut le premier sociologue qui, avant KarI Marx, découvrit l'importance prééminente de la présence de l'ouvrier dans une société nouvelle et la valeur morale et sociale du travail dans l'évolution du monde moderne et son exceptionnel apport à l'organisation et à la structuration de la " démocratie industrielle" : "il faut relever le moral des travailleurs... poser, avec un redoublement d'énergie, la question sociale. Organiser le travail, le crédit, l'assistance, c'est affirmer la constitution sociale." |
C'est dans la prison de Sainte-Pélagie qu'il écrivit L'idée générale de la Révolution au XIXe siècle, (1851). Il y préconise "une réconciliation du prolétariat et de la classe moyenne pour renverser le capitalisme et achever la révolution sociale".
Proudhon était alors quelque peu désabusé, noté Gurvitch, car dans son ouvrage La Philosophie du Progrès, écrit également en prison, il se reprend vite et il compte désormais, sur "l'énergie révolutionnaire des masses ouvrières" pour renverser le courant de la réaction et faire éclater la féodalité industrielle Qu'on le sache une fois le résultat le plus caractéristique de la Révolution, c'est après avoir organisé le travail et la propriété, d'anéantir la centralisation politique" qui singularise aujourd'hui, en 1971, les systèmes totalitaires.
Après sa sortie de prison, en juin 1852, il ne fut pas inquiété, mais lorsqu'en 1858, il fit paraître De la Justice dans la Révolution et dans l'Eglise, il fut de nouveau condamné à plusieurs années de prison son livre fut interdit, parce qu'il avait écrit, entre autres :
Corruption ou dissolution de l'humanité par elle-même, manifestée par la perte successive des murs, de la liberté, du génie, par la diminution du courage, de la foi, l'appauvrissement des races : c'est la Décadence. "
Il s'était enfui en Belgique, et il y resta quatre ans. Cependant, une amnistie lui permit de revenir de son exil en 1862. Il s'installa à Passy et s'efforça de publier un journal, La Fédération, pour lequel il n'obtint pas l'autorisation. Proudhon se consacra alors à la rédaction d'un ouvrage : Du Principe fédéral et de la nécessité de reconstituer le parti de la Révolution, publié en 1863, qui synthétise sa pensée politique, sociale et économique: " Le XXe siècle, ouvrira l'ère des fédérations. C'est la vocation du prolétariat de les réaliser. Qui dit liberté, dit fédération; qui dit république, dit fédération; qui dit socialisme, dit fédération. Toutes mes idées économiques peuvent se résumer en ces trois mots : fédération agricole - industrielle.
Toutes mes vues politiques se réduisent à une formule semblable : fédération politique ou décentralisation... La propriété purgée de ses abus par la liquidation du régime capitaliste, deviendra elle-même une propriété fédérative "... car, la Fédération peut seule donner satisfaction aux besoins et aux droits des classes laborieuses."
Dans les dernières années de sa vie, Proudhon, prépara un ouvrage : De la Capacité politique des Classes ouvrières, considéré "comme son testament de penseur et de militant et qui fut, sous le Second Empire, le plus lu dans le milieu ouvrier Il exerça, en effet, une influence féconde et stimulante sur les militants célèbres de la Première International, et sur les théoriciens et les militants du syndicalisme révolutionnaire.
Rien ne montre avec plus de pénétration et plus de vigueur, en effet, l'ascendant de Proudhon sur le mouvement ouvrier depuis plus de cent trente ans, et plus particulièrement sur Vallés, Varlin, Benoît Malon, Pelloutier, Griffuelhes, Merrheim, Yvetot, Pouget, Delessale et Jouhaux que sa conception du travail, ses idées et ses vues pertinentes sur le rôle social du prolétariat.
A la vérité, c'est de la doctrine ouvrière de Proudhon qu'est né le syndicalisme révolutionnaire, qui par les moyens de la grève générale voulait, au temps héroïque, conquérir les droits à la cité, et au bonheur.
La théorie mutualiste de Proudhon avait conquis Varlin et son idée de la libération du monde ouvrier était devenue l'objectif final du syndicalisme révolutionnaire l'émancipation Complète des travailleurs par l'abolition du salariat.
Dans la définition du développement de la condition ouvrière, dans la diminution de la durée du travail, dans la revendication des hauts salaires, du loisir, du repos hebdomadaire, de la sécurité sociale, dans la lutte contre le chômage, le syndicalisme révolutionnaire et réformiste s'inspira de Proudhon.
Aujourd'hui, même ses idées sur la participation des travailleurs à la gestion des entreprises et à la redistribution des bénéfices sont déjà réalisées dans un certain nombre de grandes industries. Et en instituant en notre temps le système et l'organisation de l'autogestion dans des entreprises modernes, les travailleurs ont tout Simplement appliqué les principes, élaborés par Proudhon : "Les Compagnies ouvrières sont appelées à jouer un râle considérable dans notre prochain avenir. Ce rôle consistera surtout dans la gestion des grands instruments du travail."
Proudhon estimait que, Sous le régime capitaliste, le prolétariat ne doit s'occuper que de sa propre organisation afin de préparer la révolution sociale. "Ainsi, d'après le sociologue Georges Gurvitch, Proudhon est-il resté révolutionnaire jusqu'à son dernier souffle; sous maints aspects, bien plus révolutionnaire que Marx." Cette affirmation est corroborée par une constatation de Proudhon : " Les classes ouvrières ont acquis conscience d'elles-mêmes et possèdent une idée de leur conscience... La démocratie ouvrière affirme son Droit, dégage sa Force et pose aussi son idée."
Jusqu'à sa mort, survenue en janvier 1865, Proudhon demeura contre toutes les cabales et les légendes, un des adversaires politique les plus redoutables et les plus déterminés du régime de Napoléon III.
Sur le plan politique et économique, il était un visionnaire et un précurseur... Il a "dévoilé le Caractère autocratique et arbitraire du Second Empire, son râle d'initiateur du capitalisme organisé, en même temps qu'y est pressentie la menace d'un fascisme dirigiste et totalitaire. En conclusion la démocratie industrielle qui mettrait fin au capitalisme, ne peut s'établir que par une révolution sociale, car elle doit instituer l'autogestion ouvrière et transformer de fond en comble la propriété des moyens de production ; elle constituerait la solution de la crise, en instituant un collectivisme décentralisé.
On a dit de Proudhon qu'il était un "utopiste" qui travailla pendant toute sa vie pour le bonheur des peuples. De caractère fruste, bourru, mais généreux et d'une droiture exceptionnelle, Proudhon a révolutionné la pensée sociologique de son époque, et on le luge encore aujourd'hui, à juste titre, comme un des plus grands réformateurs sociaux de tous les temps.
Théodore BEREGI
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