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Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865)



La Révolution de 1848 (1)



Proudhon vu par Victor Hugo

Victor Hugo rapporte une séance à l'Assemblée constituante

30 juillet 1848

L'assemblée a entendu aujourd'hui les développements de la proposition Proudhon, présentés par l'auteur.

On voit paraître à la tribune un homme d'environ quarante-cinq ans, blond, avec peu de cheveux et beaucoup de favoris. Il était vêtu d'un gilet noir et d'une redingote noire. Il ne parla pas, il lut. Il tenait ses deux mains crispées sur le velours rouge de la tribune, son manuscrit entre elles. Il avait un son de voix vulgaire, une prononciation commune et enrouée, et des besicles. Le début fut écouté avec anxiété. puis l'assemblée éclata en rires et en murmures ; enfin chacun se mit à causer. La salle se vida et -l'orateur termina au milieu de l'inattention le discours commencé au milieu d'une sorte de terreur.

Proudhon n'était ni sans talent ni sans puissance. Cependant il plia visiblement sous l'insuccès et n'eut rien de l'effronterie sublime des grands novateurs.

La Mennais a écouté la fin du discours de Proudhon, son mouchoir rouge sur les yeux, comme s'il pleurait.

Hier, Antony Thouret a rencontré Proudhon.

" Ca va mal, a dit Proudhon.

. Quelle cause assignez-vous à tous nos embarras ? a demandé Antony Thouret.

. Pardieu ! tout le mal vient des socialistes.

. Comment ! des socialistes ? mais vous-même n'êtes-vous pas un socialiste ?

. Moi, un socialiste ! a repris Proudhon, par exemple !

. Ah çà ! qu'êtes-vous donc ?

. Je suis un financier. "

Victor Hugo, Choses vues 1830-1848

(Gallimard, Folio classique, p. 692)

 

Proudhon à l'Assemblée Constituante de 1848

En juin 1848, aux élections complémentaires de Paris, Proudhon est élu à l'Assemblée constituante. Le 31 juillet, dans une séance mémorable, face à une assemblée presque totalement hostile, il présente son projet de réorganisation sociale, soulevant des réactions de fureur de la part des députés modérés et conservateurs. Il déclare du haut de la tribune que la "liquidation " de l'ancienne société a été ouverte par la révolution de Février.

LE CITOYEN PROUDHON. . Voici donc, indépendamment des voies et moyens que j'examinais tout à l'heure, quel est le sens de ma proposition. 1°) dénonciation à la propriété, à la classe bourgeoise, du sens et du but de la Révolution de Février. 2°) mise en demeure adressée a la propriété, de procéder à la liquidation sociale, et, entre-temps,de contribuer, pour sa part, à l' œuvre  révolutionnaire : les propriétaires rendus responsables des conséquences de leur refus et sous toutes réserves. (Vives interruptions.)

PLUSIEURS MEMBRES. - Comment ! sous toutes réserves ? Expliquez-vous !

LE CITOYEN DUPIN (de la Nièvre). - C'est très clair ? La bourse ou la vie !

VOIX NOMBREUSES. - Monsieur le Président, faites expliquer l'orateur !

LE CITOYEN PRESIDENT. - L'orateur entend la demande : je l'invite à s'expliquer.

LE CITOYEN PROUDHON - Elle signifie qu'en cas de refus, nous machines, et prévienne les crises de leur apparition qui fasse de la concurrence un bénéfice, et du monopole un gage de sécurité pour tous ; qui, par la puissance de son principe, au lieu de demander crédit au capital et protection à l'État soumette au travail le capital et l'État ; qui, par la sincérité de l'échange crée une véritable solidarité entre les peuples ; qui, sans interdire l'initiative individuelle, sans prohiber l'épargne domestique, ramène incessamment à la société les richesses que l'appropriation en détourne ; qui, par ce mouvement de sortie et de rentrée des capitaux, assure l'égalité politique et industrielle des citoyens, et par un vaste système d'éducation publique, procure, en élevant toujours leur niveau, l'égalité des fonctions et l'équivalence des aptitudes ; qui, par la justice, le bien-être et la vertu, renouvelant la conscience humaine, assure l'harmonie et l'équilibre des générations ; une société, en un mot, qui, étant tout à la fois organisation et transition, échappe au provisoire, garantisse tout et n'engage rien...

La théorie de la mutualité ou du mutuum, c'est à dire de l'échange en nature, dont la forme la plus simple est le prêt de consommation, est, au point de vue de l'être collectif, la synthèse des deux idées de propriété et de communauté ; synthèse aussi ancienne que les éléments qui la constituent, puisqu'elle n'est autre chose que le reteuple, organe de la pensée ouvrière, nous venons constituer l'unité des travailleurs en présence de l'anarchie des privilèges, poser l'unité révolutionnaire, l'idée progressive, en face des projets réactionnaires, des idées rétrogrades. "

Proudhon, Manifeste du Peuple septembre 1848. Cite par Pierre Ansart : ibid., p. 104.

 

Une analyse de la situation économique : Philosophie de la misère.

Proudhon esquisse les grandes lignes de ce que devrait être une société de mutualité :

" Mais quelle sera la formule de cette équation ?

Déjà il nous est permis d'entrevoir : ce doit être une loi d'échange, une théorie de MUTUALISTE, un système de garanties qui résolve les formes anciennes de nos sociétés civiles et commerciales, et satisfasse à toutes les conditions d'efficacité, de progrès et de justice qu'a signalées la critique ; une société non plus seulement conventionnelle, mais réelle ; qui change la division parcellaire en instrument de science qui abolisse la servitude des machines, et prévienne les crises de leur apparition qui fasse de la concurrence un bénéfice, et du monopole un gage de sécurité pour tous ; qui, par la puissance de son principe, au lieu de demander crédit au capital et protection à l'État soumette au travail le capital et l'État ; qui, par la sincérité de l'échange crée une véritable solidarité entre les peuples ; qui, sans interdire l'initiative individuelle, sans prohiber l'épargne domestique, ramène incessamment à la société les richesses que l'appropriation en détourne ; qui, par ce mouvement de sortie et de rentrée des capitaux, assure l'égalité politique et industrielle des citoyens, et par un vaste système d'éducation publique, procure, en élevant toujours leur niveau, l'égalité des fonctions et l'équivalence des aptitudes ; qui, par la justice, le bien-être et la vertu, renouvelant la conscience humaine, assure l'harmonie et l'équilibre des générations ; une société, en un mot, qui, étant tout à la fois organisation et transition, échappe au provisoire, garantisse tout et n'engage rien...

La théorie de la mutualité ou du mutuum, c'est à dire de l'échange en nature, dont la forme la plus simple est le prêt de consommation, est, au point de vue de l'être collectif, la synthèse des deux idées de propriété et de communauté ; synthèse aussi ancienne que les éléments qui la constituent, puisqu'elle n'est autre chose que le retour de la société à sa pratique primitive à travers un dédale d'inventions et de systèmes, le résultat d'une méditation de six mille ans sur cette proposition fondamentale, A est A.

Tout se prépare aujourd'hui pour cette restauration solennelle ; tout annonce que le règne de la fiction est passé, et que la société va rentrer dans la sincérité de sa nature. Le monopole s'est enflé jusqu'à égaler le monde - or, un monopole qui embrasse le monde ne peut demeurer exclusif : il faut qu'il se républicanise ou bien qu'il crève L'hypocrisie, la vénalité, la prostitution, le vol, forment le fond de la conscience publique : or, à moins que l'humanité n'apprenne à vivre de ce qui la tue, il faut croire que la justice et l'expiation approchent... "

Proudhon

Système des Contradictions économiques ou Philosophie de la Misère. 1846 Cite par Pierre Ansart : ibid., pp. 72-74.



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